Addendum

Une amitié (suite)

Cai laoshi: Quelques propos sur l’exposition de peintures de Monsieur Xu Wenjing (徐文鏡)

Quelques propos sur l’exposition de peintures de Monsieur Xu Wenjing

Manuscrit de Cai laoshi

Inscription destinée à être gravée au dos d’un qin

Avec un poème de Xu Wenjing composé en souvenir de Robert Van Gulik

Cinabre

印泥 Yinni

Versets parallèles

對聯 Duilian

Peintures

Quelques peintures de Xu Wenjing

Je pêchais par amour

Xu Wenjing, 12e des 108 quatrains en souvenir du lac de l’Ouest

Poèmes à chanter

Cai laoshi: Préface aux poèmes à chanter de Monsieur Xu Wenjing

Une amitié (suite)

Quelques propos sur l’exposition de peintures de Monsieur Xu Wenjing.

Grand calligraphe, peintre et épigraphe éminent originaire de Linhai , Monsieur Xu Wenjing, souffre d’une maladie des yeux et a perdu la vue depuis longtemps. Quand il sort, il doit s’appuyer sur la personne qui l’accompagne, lorsqu’il reçoit une lettre, il est obligé de se la faire lire. Pour écrire un poème ou rédiger un mot, il prend son pinceau puis, à tâtons, se saisit d’une feuille de papier dont il évalue la taille pour y tracer, tant bien que mal, quelques caractères. Mais pour peu que la feuille ait bougé, ses traits de pinceau se mêlent et le texte devient illisible. Si bien qu’aujourd’hui il ne peut plus peindre ou faire de la calligraphie. Tous ses amis s’en attristent.

À l’hiver de l’année bingshen (1956), alors qu’il avait déjà la vue très altérée, Monsieur Xu, arriva soudain chez nous, un rouleau sous les bras. C’était une peinture de bambous qu’il venait d’exécuter le jour du solstice. Il nous l’offrait, à mon mari et à moi. La façon dont les tiges et les feuilles étaient disposées, l’équilibre parfait entre parties denses et éparses, tout cela donnaient aux bambous une rare vigueur. Les caractères inscrits par l’artiste sur la peinture étaient, eux aussi, puissants et plein de grâce. Après cela, Monsieur Xu n’a plus peint. Pour mon mari et moi, cette œuvre est un véritable trésor.

Ceux qui voient cette peinture sont toujours stupéfaits en apprenant qu’elle a été réalisée si tardivement. Manifestement, ce n’est plus en se fiant à sa vue que l’artiste a œuvré, mais en faisant totalement confiance à sa main et à son poignet, le pinceau entièrement guidé par l’idée. Il s’agit bien là d’une œuvre habitée par l’esprit.

Nous disant que ses peintures anciennes devaient probablement être tout aussi remarquables, nous demandâmes à leur auteur de nous en montrer quelques-unes. Monsieur Xu nous ouvrit volontiers son coffre. Il y avait là plusieurs centaines d’œuvres… Nous en contemplâmes une bonne dizaine: paysages aux monts brumeux, rivières sous des nuages, toujours exécutés avec puissance, à l’aide de touches d’une infinie variété, alliant finesse de composition à une grande subtilité de l’encre. On était bien loin des efforts d’un peintre ordinaire!

Quand on pense au travail qu’exigent les grandes compositions, on comprend qu’il ne les montrait pas à la légère. Quant à ses orchidées et ses bambous, leur distinction et leur élégance ont pour effet de plonger ceux qui les voient dans le ravissement.

À cette époque les galeries de peinture commençaient à foisonner sur l’île de Hong Kong, les amis de Monsieur Xu l’encouragèrent à exposer, mais ce fut peine perdue.

Cette situation dura plusieurs années, jusqu’à ce que finalement, ce printemps, ses amis finirent par le convaincre. Près d’une centaine d’œuvres furent choisies pour être exposées dans l’Oratoire de St John’s Cathedral. Apprenant cela, de nombreux visiteurs se pressèrent pour admirer ces peintures.

Monsieur Xu, dont je connais la passion pour le qin, désire agrandir son «Studio au confins des mers», le lieu où il pratique sa musique. Il espère mobiliser ceux qui, comme lui, souhaitent voir se développer et s’épanouir ici la quintessence de la culture chinoise, une mission qui lui tient particulièrement à cœur. Pour ce faire, il est prêt à mettre ses œuvres en vente. Autant dire que cette exposition ne ressemble pas aux autres.

Ceux qui apprécient ses œuvres et les achètent ne le font pas seulement pour acquérir les peintures d’un artiste qui ne pourra plus en produire, mais ils amènent aussi leur contribution au noble projet de leur auteur.

Bien que Monsieur Xu accepte son destin, il ne perd pas l’espoir de recouvrer un jour la vue. Le soutien qu’il reçoit dans cette exposition, l’aura certainement encouragé et, qui sait, peut-être que cette stimulation aura un effet bénéfique sur ses yeux. C’est en tout cas mon voeux le plus cher.

Cai Deyun de Wuxing, en profond hommage.

«Quelques propos sur l’exposition de peintures de Monsieur Xu Wenjing», manuscrit de Cai laoshi.

Manuscrit de Cai laoshi, page 2
Manuscrit de Cai laoshi, page 1
Manuscrit de Cai laoshi, page 4
Manuscrit de Cai laoshi, page 3
Qin destiné à Van Gulik, 1968

Inscription destinée à être gravée au dos d’un qin

Le texte est disposé de part et d’autre de l’ouïe centrale, dite «Étang du dragon».

Ce qin a été construit sous la supervision de M. Xu Wenjing de Linhai, après son arrivée à Hong Kong. Pour donner un nom à l’instrument, notre ami, M. Van Gulik, a calligraphié les caractères «Vent froid dans les pins».

Qui donc aurait imaginé qu’à l’automne dernier, avant même que ces mots ne soient gravés sur son qin, leur auteur devait quitter ce monde? Xu Wenjing décida alors d’ajouter au nom du qin le poème suivant, en souvenir.

海波瀾
天風翻
鶴西還
松風寒

一彈指
千秋看
人間天上
流水高山

Sur la mer les vagues se déchaînent
Le ciel tourne à la tempête
La grue s’est envolée vers l’Ouest
Un vent froid souffle dans les pins.

Un doigt pince les cordes
Et c’est l’Eternité
Chez les hommes comme au Ciel
Sur les fleuves et les monts.

Pan Bolun aime la musique ancienne. Depuis que ce qin est en sa possession, il ne cesse de l’admirer. Avant de graver le nom de l’instrument, il m’a demandé de rédiger cette inscription.

Début de l’été de l’an wushen (1968) Cai Deyun de Wuxing, Studio de l’insondable vertu du qin, à Kowloon.

Cinabre (encre pour sceaux) de Xu Wenjing

Calligraphie au nom du cinabre de Xu Wenjing

Encre à sceaux de l’ermitage de la montagne pourpre. Printemps 1955.

Coupelle de cinabre pour sceaux (印泥 yinni), fabriqué par Xu Wenjing
Couvercle de la coupelle pour encre à sceaux, avec des sceaux à l'intérieur

Coupelle de cinabre, une encre pour l’impression des sceaux (印泥 yinni), fabriquée par Xu Wenjing. À droite, sceau de l’auteur et, écrits à l’encre rouge, les mots suivants: Encre à sceaux de l’ermitage de la montagne pourpre, qualité supérieure.

Calligraphie de Xu Wenjing presque aveugle

Duilian (versets parallèles) de Xu Wenjing

仙露明珠
閑雲野鶴

戊戌 初秋
臨海 徐文鏡

Brillants, tel des perles de rosés
Libres, comme la grue dans les nuages

Automne 1958
Xu Wenjing de Linhai

Cette sentence parallèle en cursive écrite alors que son auteur était quasiment aveugle, évoque la beauté idéale des caractères dans une bonne calligraphie.

Peintures et sceau de Xu Wenjing

Sceau de Xu Wenjing
1952_普藝
1949_淳浩
Xu Wenjing Peinture pins dans la brume
Xu Wenjing Peinture montagnes lavis noir
Xu Wenjing peinture-pin-重慶尚文齋
Xu Wenjing, album de peintures

Album de peintures de Xu Wenjing, des années 1950. Les poèmes qui accompagnent chacune de ces peintures ont été composés et calligraphiés une vingtaine d’année plus tard par la poétesse et peintre cantonaise Zhang Renshi (1912-1972).

Xu Wenjing, album de peintures, détail-2

Les deux premières peintures de l’album ci-dessus.

Xu Wenjing, album de peintures, détail-1

Xu Wenjing, 12e des 108 quatrains en souvenir du lac de l’Ouest


只釣相思不釣愁
一竿烟水六橋頭
而今最憶垂香餌
非我非魚盡上鉤

Je pêchais par amour

Je pêchais par amour, non par mélancolie.
Je vois encore mon appât suspendu
Sur l’eau brumeuse des Six ponts,
Oublieux de moi-même et des poissons qui affluaient.

Préface aux poèmes à chanter de Monsieur Xu Wenjing.

Lorsque l’on est ému, l’émotion qui nous gagne s’extériorise et se traduit par des sons; ces sons, à leur tour, deviennent des mots. Aussi, il est dit que les mots sont les sons du cœur.
Ces mots, quand ils sont issus de l’inspiration d’un poète, ont souvent le pouvoir d’ébranler durablement le lecteur.
Il arrive qu’ayant apprécié un texte, on ait envie de rencontrer son auteur. Le plaisir de lire son œuvre s’en trouve alors redoublé.

Après la publication, l’an dernier, des Cent poèmes en souvenir du lac de l’Ouest, nombreux sont les lecteurs qui souhaiteraient connaître Monsieur Xu Wenjing.

Or, Mr Xu annonce qu’il a l’intention de publier ses poèmes à chanter. Il voudrait que je lui fasse une préface. Je ne crois pas avoir les qualités requises pour accomplir une telle tâche, je lui ai donc répondu que je ne pouvais accepter; mais il insiste: « Il n’y a aucun mal à ce que vous écriviez simplement les choses telles que vous les sentez ».

Mr Xu a vécu les troubles de la guerre et connu une longue errance qui l’a finalement mené de ce côté du monde. Depuis dix ans, il vit ici, loin des siens. A ses soucis s’ajoute maintenant la cécité. Il ne peut plus peindre, faire de la calligraphie ou graver des sceaux.

A part le qin, pour exprimer ses émotions, il lui reste la création poétique. Si après avoir joué, le sommeil ne vient pas, il médite en silence et de nouveaux vers surgissent en lui. Quant aux poèmes improvisés au cours de ses promenades, ou lors d’une réunion avec ses amis, ils sont toujours saisissants de beauté.

Avec le temps, ces poèmes se sont accumulés. Chaque mot, chaque vers, traduisent toujours une émotion profonde.

Nombreuses sont ici les personnes qui, comme Mr Xu, vivent les affres de l’exil. Il est impossible que la lecture de ces poèmes les laisse indifférents. Impossible aussi qu’après les avoir lu, ils n’aient pas le désir de connaître leur auteur. Impossible encore, me semble-t-il, qu’après avoir rencontré l’auteur et relu ses poèmes, leur plaisir ne soit redoublé.

«Préface aux poèmes à chanter de Monsieur Xu Wenjing», manuscrit de Cai laoshi.

Manuscrit de Cai laoshi - Préface pour les poèmes à chanter de Xu Wenjing - 3
Manuscrit de Cai laoshi - Préface pour les poèmes à chanter de Xu Wenjing - 2
Manuscrit de Cai laoshi - Préface pour les poèmes à chanter de Xu Wenjing - 1