Addendum
En pensant à un ami
Yi guren 憶故人, l’héritage de Peng Zhiqing 彭祉卿
«Yi guren» par Louis Chen (audio)
EN PENSANT À UN AMI
Yi guren 憶故人, l’héritage de Peng Zhiqing 彭祉卿
«L’ami auquel vous pensez n’est pas celui auquel je pense» dit en souriant Cai laoshi à un vieil ami de Hong Kong: Ils venaient d’entonner de conserve «Yiguren» et s’étaient bien vite arrêtés, ne parvenant pas, dans leur «face à face», à s’accorder sur le tempo du morceau.
De Peng Zhiqing, trop tôt disparu, nous n’avons aucun enregistrement. Ce grand ainé et grand ami de Zha Fuxi, mort en 1944, aurait pourtant pu laisser une trace de son art sur un 78 tours, comme l’avaient fait à l’époque Wei Zhongle et Xu Yuanbai.
Sur sa musique les témoignages divergent: Zha Fuxi ainsi que nombre de ses contemporains admiraient son jeu «imposant», à la fois «grave et précis». Certains auditeurs cependant trouvaient que sa façon de jouer était outrée. On raconte en effet, que Peng Zhiqin faisait trembler les vitres de la pièce où il jouait tant il mettait de force à faire vibrer ses cordes…
Wang Meng, Falaises rouges et vertes vallées 元 王蒙 丹崖翠壑圖 (c. 1367).
En l’absence de témoignage enregistré de sa musique, on peut, malgré tout, prendre la mesure du personnage en lisant ses écrits, mais aussi en constatant l’importance du rôle qu’il a joué dans dans les milieux du qin avant la guerre sino-japonaise. Outre ses contributions musicologiques (étude des échelles, description minutieuse du doigté, collecte des partitions anciennes, collation des différentes éditions etc.), il fut également l’éditeur principal de la revue de la société de qin, la «Jinyu qinkan», publication d’un grand intérêt, plusieurs fois rééditée depuis.
Pour se rendre compte du style et de la méthode de travail de Peng Zhiqing, on pourra consulter son «Traité sur le doigté du qin», un travail considérable, d’une grande clarté. Cette étude est sans doute une des approches les plus complètes et les plus subtiles publiées à ce jour sur ce sujet crucial. Elle parut en 1937 avec d’autre articles de sa plume dans la revue qu’il dirigeait.
La préface de cet ouvrage se termine par ces mots:
«Il n’existe pas de manuel de qin qui mette en rapport le doigté avec les lois musicales. Si bien que les gens ont fini par croire que le doigté et les lois musicales étaient deux choses distinctes…Les anciens qui avaient l’oreille fine et l’esprit vif, trouvaient naturellement leur doigté sans avoir à en expliquer le pourquoi. J’ai donné ces descriptions pour que le lecteur puisse comprendre les doigtés par lui-même.
Les règles musicales constituent le fondement de toute musique. On ne saurait les écarter et les remplacer par autre chose. On dit que le qin s’accorde aux échelles, mais c’est aussi par le qin que se vérifient ces dernières. C’est précisément de cela qu’il est question dans le présent ouvrage, en espérant que les amateurs de qin ne m’accuseront pas de forcer les explications.
Une première version de ce travail a vu les jour à Hangzhou au début de l’automne 1934. Trois mois plus tard je me suis rendu à Shanghai où j’ai pu rencontrer monsieur Zhou Jianchu qui m’a montré plus de soixante manuels de qin rassemblés par son père. J’ai pu les consulter, les comparer et corriger mon travail. Qu’il soit ici remercié.»
On doit aussi à ce musicien d’avoir transmis une mélodie, jusque là jalousement gardée dans sa famille, «Yi guren» «En pensant à un ami» publié dans cette revue, où elle figure calligraphiée par les soins de son ami Zhang Ziqian.
Cette mélodie allait très vite devenir une des pièces phare du répertoire, au point d’être parfois transcrite pour d’autres instruments. Ici, par exemple, c’est à la cithare à chevalets mobiles, le guzheng, que Louis Chen, (Chen Leishi) dédie cette adaptation. À l’entendre, on comprend vite que, contrairement à d’autres instrumentistes, cet interprète avait une connaissance profonde du morceau, étant lui-même fin musicien et surtout grand amateur de qin, instrument qu’il cultiva intensément sur ses vieux jours.
Yi guren 憶故人 · En pensant à un ami · 06:41
Rappelons toutefois le mépris traditionnel dans lequel certains lettrés tenaient le guzheng, à commencer par Zeng Gong 曾鞏 (1019-1083) auteur de ce quatrain:
贈彈琴者
至音淡薄誰曾賞,
古意飄零自可憐。
不似秦箏能合意,
滿堂傾耳十三弦。
OFFERT À UN JOUEUR DE QIN
La musique parfaite est ténue et insipide, qui l’a jamais goûtée?
Elle a un charme bien à elle qui évoque l’Antiquité
Rien à voir avec le zheng dont les treize cordes
Captent facilement l’attention d’un auditoire entier!