Addendum
Trois variations sur les fleurs de prunier
MEIHUA SAN NONG 梅花三弄
Une précieuse découverte
LAO MEIHUA 老梅花
Zhang Ziqian solfiant «Les oies sauvages se posent sur la grève»
PINGSHA LUOYAN 平沙落雁
Trois variations sur les fleurs de prunier
MEIHUA SAN NONG 梅花三弄 (versions nouvelle et ancienne)
«Cette mélodie limpide et délicate au rythme allègre procure à celui qui la joue une sorte d’exaltation, comme si un parfum très frais le pénétrait jusqu’au tréfonds. En la jouant posément et avec cohérence on pourra en saisir la saveur.»
Le moine Yunxian (1893)
Ma joie fut grande en apprenant que Cai laoshi allait m’enseigner les «Trois variations sur les fleurs de prunier» — morceau emblématique de la musique de qin — mon premier «grand morceau»!
Cet air de flûte transcrit pour le qin sous les Tang, célèbre la pureté des fleurs de prunier. Leur apparente fragilité ne les empêche pas de résister vaillamment aux assauts du froid et du vent. Elles symbolisent la force morale et la ténacité dans l’adversité.
Trois variations sur les fleurs de prunier · Meihua san nong 梅花三弄 · 08:08
Je connaissais cette mélodie pour l’avoir écouté bien des fois dans la magnifique interprétation de Pu Xuezhai 溥雪齋 (1893-1966), le cousin du dernier empereur, remarquable peintre et musicien, sur un disque où figurait aussi «Le pêcheur ivre chante dans le soir» par Zha Fuxi et «L’orchidée cachée» de Guan Pinghu. (Ce 33 tours, découvert à Paris à la fin des années ’60, continue à faire mon bonheur: aucun des repiquages ultérieurs ne rend aussi bien la présence sonore des instruments de ces trois musiciens.)
Une dizaine d’années après cet enregistrement, la Révolution culturelle éclatait. À l’arrivée des Gardes rouges à son domicile le 30 août 1966, Pu Xuezhai s’enfuit de chez lui. On ne le retrouva jamais.
Voici cette mélodie telle qu’il la jouait en 1956.
Trois variations sur les fleurs de prunier · Meihua san nong 梅花三弄 · 07:16
Trois planches du recueil d’époque Song (13e siècle) «Meihua xishenpu»《梅花喜神譜》(manuel pour l’amateur de fleurs de prunus) gravé par Song Boren 宋伯仁
UNE PRÉCIEUSE DÉCOUVERTE
Après avoir joué cette version pendant des années, je découvris un beau jour, sous les doigts d’une condisciple, Lau Chor-Wah 劉楚華, des fleurs de prunier bien différentes. C’étaient, me disait-elle, les «trois variations» dans le style de l’école de Guangling, ancien nom de la ville de Yangzhou, telles qu’elle venait de les apprendre auprès Zhang Ziqian à Shanghai. On les appelait «Lao Meihua» «Les fleurs de prunier à l’ancienne» pour les distinguer des nôtres, devenues «Xin Meihua» «Les fleurs de prunier version nouvelle».
Deux représentants incontestés de cette école ont laissé des enregistrements de la mélodie; ils l’apprirent, l’un et l’autre, de Sun Shaotao (1879-1949), un maître d’une grande droiture.
La partition qu’ils suivent est rigoureusement la même, mais le tempérament des deux hommes était bien différent: de vif-argent chez Zhang Ziqian (1899-1991), sobre et posé pour Liu Shaochun (1901-1971).
Trois variations sur les fleurs de prunier (ancienne manière) 老梅花 · 07:15
Trois variations sur les fleurs de prunier (ancienne manière) 老梅花 · 07:58
Pour compléter ce rapide aperçu sur l’école de qin de Yangzhou, voici un rare témoignage: Zhang Ziqian solfiant pour un élève les notes, non pas des «Trois variations», mais d’une autre et tout aussi célèbre mélodie de son répertoire, «Les oies sauvage se posent sur la grève».